De Daniel Keene
Mise en scène Jean-Louis Heckel
Avec Marie-Pascale Grenier
Accordéon Gabriel Levasseur
Lumière Philippe Sazerat
Vidéo Muriel Habrard
Hanna, une vieille femme, se souvient. Du champ désert. Du train qui s’arrêtait. De ces longues files de gens qui
défilaient devant elle. De tous ces objets confiés avant de monter dans le train et jamais récupérés.
De tous ceux-là, jamais revenus. D’un petit garçon et de la pluie…
Mais qui est donc cette femme qui toujours attend et accepte de tout recevoir ?
Ce n’est tout de même pas une vie de prendre toutes ces affaires et de les trier comme ça pour les sauver de
l’oubli ? Et puis d’où vient-elle? Quelle langue parle-t-elle ?
Elle nous dit juste qu’à force de tout accumuler, elle s’exile hors de chez elle, se met hors d’elle-même et se
déporte pour mieux encore accueillir. Avec un petit fagot de bois et des cendres, ce petit bout de femme pourra incarner avec une sérieuse légèreté la dernière luciole, qui continuera à briller dans la plus noire des nuits de l’âme humaine !
Traduction : Séverine Magois (éditions Théâtrales)
Soutien : Spedidam
LA PRESSE EN PARLE
Article de Mathieu Dochtermann
Toutelaculture.com
25 juin 2018
"LA PLUIE, ensuite, ce texte magnifique et bouleversant de l’australien Daniel Keene, interprété par la non moins magnifique et bouleversante Marie-Pascale Grenier dans une mise en scène sobre et pertinente de Jean-Louis Heckel. L’histoire, que l’on a déjà racontée à propos du même texte dans la proposition immensément belle et émouvante d’Alexandre Haslé, prend un biais détourné, mais poignant, pour raconter les camps de la mort du IIIème Reich au travers du témoignage indirect d’une vieille femme, Hanna, qui a assisté au départ des convois.
Pour accompagner l’interprète de ce monologue, Jean-Louis Heckel la flanque d’un accordéoniste qui mêle sa musique au texte à bon escient, et de quelques projections vidéo, utilisées avec parcimonie, qui évoquent plus qu’elles ne montrent d’inquiétantes silhouettes, de grands espaces vides, de troubles lumières.
Le metteur en scène a compris ici que la force du texte, est à elle seule déjà suffisante, si bien qu’il convient de l’accompagner avec discrétion pour lui laisser produire son effet. Si le texte est central, c’est que l’interprète l’est tout autant : en la matière, le jeu de Marie-Pascale Grenier est de tout premier ordre, malgré des conditions de représentation, là encore, fort peu propices à la concentration. Regard intense et rire malicieux, capacité étourdissante à passer de façon fulgurante du rire au larme, désarmant la gravité du texte d’un sourire comme pour en soulager le public qui se trouve rappelé à son devoir de mémoire, émouvante lorsque d’une main tendue elle touche du bout des doigts le spectateur pour mieux l’amener dans le cercle d’une communion qu’elle a provoquée, elle est aussi juste qu’intensément engagée au service de son personnage. Passées ses lèvres, le texte résonne avec force, précision, ce qu’il faut à la fois de pudeur et d’impudeur pour parler, même indirectement, d’une chose aussi monstrueuse.
Même racontée avec distance, l’immonde cruauté des événements remonte à la surface, et des ombres fugaces passent dans le regard de la comédienne : on comprend bien que si le personnage est enjoué, malgré tout, c’est qu’il s’agit de son dernier recours pour ne pas céder face à l’immensité de l’horreur dont elle a été le témoin.
Trente minutes qui prennent graduellement à la gorge. Un texte nécessaire, beau, auquel il faut accepter de se confronter, parce que c’est en ravivant la mémoire de ce genre d’événements que nous accomplissons pleinement notre devoir d’humains."